Historique de la médiation sociale
Une tradition ancestrale
Une tradition ancestrale
L’antiquité de la médiation, une source philosophique
Il est possible d’identifier une amorce de la médiation dans la culture de la Grèce antique, avec le courant philosophique visant à faire réfléchir les personnes sur leurs relations aux autres et, conséquemment à soi-même. La maïeutique instrumentait cette recherche. En effet, l’outil maïeutique avait pour objectif de permettre à une personne d’exprimer ses connaissances en soi – en l’occurrence qui auraient été acquises dans des vies antérieures. Le philosophe mettait en pratique ce savoir-faire pour qu’une personne puisse réfléchir et exprimer le meilleur d’elle-même. Cette pratique visait à développer la responsabilité personnelle, par la maîtrise des passions, et à faire réfléchir chacun sur ses relations maître-esclave de soi et avec les autres (cf. La République, Livre IV, Platon).
Ainsi, le philosophe accompagnait une réflexion qui permettait à une personne de se positionner, de faire les choix avec lesquels elle allait pouvoir s’auto-déterminer, en visant le passage à l’acte. L’enseignement qui était ainsi dispensé par les rhétoriciens devenaient antagoniste avec celui des sophistes qui se contentaient de la relation d’efficacité des techniques de communication (avec leurs applications notamment dans les procès), moins la dimension de ce que nous appelons aujourd’hui le développement personnel, soit la contribution pédagogique de l’acte médiateur du philosophe. Nous pouvons aussi souligner l’existence d’un protecteur des non-citoyens, le proxène, lequel n’a cependant pas inspiré la fonction du médiateur de la république, ce d’autant que cette fonction n’existe pas dans nos civilisations beaucoup plus nationalistes.
À cette époque que nous pouvons qualifier d’antiquité de la médiation, en ce qu’elle n’était pas conceptualisée en tant que telle, deux courants se sont formés :
- celui de l’intervention de tiers pour faire émerger la responsabilité individuelle, l’engagement libéré des passions (et donc notamment en situations conflictuelles)
- celui de l’intervention de tiers qui se substituaient aux personnes et allaient dans le sens de la prise de décision imposée, déresponsabilisant les personnes.
Pour que la Médiation reprenne du sens, il fallait un élément fort : la reconnaissance de l’individu en tant que personne possédant un potentiel de responsabilité. C’est à René Descartes que nous devons cette formalisation.
Il fallait aussi les réflexions éthiques, plus laïques, exprimant la recherche d’autonomie individuelle de Spinoza, l’aboutissement par la Déclaration universelle des premiers droits de l’homme, inspirée de l’œuvre de Jean-Jacques Rousseau sur le Contrat Social. Il fallait le cheminement des travaux de Freud, l’invention de la sociologie, il fallait aussi une expression des droits équivalents reconnus à toute l’humanité : aux femmes et aux enfants, pour que la médiation pût être conduite par un tiers respectueux des personnes.
Il fallait encore l’identification des limites du droit et de tous les systèmes d’arbitrages…
Mais sans la reconnaissance des personnes en tant qu’individus pouvant prendre ses propres décisions, pouvant être accompagnés lors des situations difficiles pour se sortir des conflits, la Médiation ne peut exister.
L'affirmation de la médiation conventionnelle
L'affirmation de la médiation conventionnelle
Cette conception de la médiation, en tant que discipline à part entière apparaît à la fin du XXe siècle. Elle se diffuse avec l’acceptation de la médiation conventionnelle, hors de tout contexte judiciaire.
Elle consiste à créer une extension de la discussion contractuelle accompagnée. Elle instrumente la volonté des parties de trouver un nouvel accord par rapport à un accord précédent qui est contesté – accord tacite (ou conçu comme tel par l’une des parties), comme le contrat social ou effectivement signé à un moment donné.
Restant dans l’esprit conventionnel, renforçant la liberté contractuelle, la médiation vient apporter aux parties d’un différend les moyens de reposer une situation qui pose problème, d’y réfléchir et de chercher la meilleure des solutions possibles pour retrouver ou trouver un terrain d’entente. De ce fait, la médiation instrumente aussi la qualité de communication, au présent d’une relation et inscrite dans une anticipation relationnelle, contrairement au système juridique qui, se fondant sur le passé et s’appuyant sur une conception des droits et obligations énoncés antérieurement, départage ou divise.
C’est donc seulement au XXe siècle que les premiers ouvrages sur la médiation sont apparus. Ils sont aujourd’hui de plus en plus nombreux et parfois contradictoires. Néanmoins, ils sont tous imprégnés de cette recherche de renforcer le potentiel de prise de décision des personnes. Dans le monde de l’entreprise, nous observons depuis quatre ou cinq décennies, des formations sur la délégation. Les formations de développement personnel ont également fortement contribué, avec leurs balbutiements souvent thérapeutiques, à la reconnaissance de l’individu.
En fait, notre époque semble avoir repris le chemin abandonné voici environ 2500 ans.
La médiation entre dans un cadre juridique
Le cadre juridique
C’est donc au XXIe siècle que commence à s’écrire l’Histoire de la médiation et des médiateurs.
La médiation sociale est une pratique encore relativement récente en France, puisqu’elle a émergé autour des années 1980.
Le recours aux voisins, aux amis, aux chefs de famille, aux curés ou aux « anciens », pour gérer des problèmes sociaux ou régler des conflits à l’amiable, constituait dans de nombreuses cultures un préalable quasi obligatoire avant tout recours aux instances dirigeantes ou judiciaires.
Ces formes anciennes de médiation étaient réalisées « à l’intérieur du lignage ou du village » et prenaient en compte les intérêts de la communauté. Avec l’exode rural et la concentration des habitants dans les grandes villes, ces instances de régulation sont peu à peu rejetées et délégitimées, au profit de nouvelles formes de médiation centrées sur l’individu, exigeant l’intervention d’un tiers extérieur et le respect de la confidentialité.