Les M.A.R.C. : modes amiables de résolution des conflits
A la différence des modes contraints de résolution amiable des litiges que sont la conciliation et la transaction dont le dénouement prend la forme d’un compromis, les modes amiables réunis sous le sigle de M.A.R.C. aboutissent à un véritable consensus.
Si l’on veut imager ce propos, on peut dire que les premiers se terminent par un armistice qui ne met pas fin à la guerre, alors que les seconds aboutissent à un traité de paix issu d’un consensus. [… suite …]
Propos introductifs
Les M.A.R.C.
Le Monde civilisé est passé de la force brute purement animale et instinctive, à la loi du plus fort (sorte de violence consciente) puis à la force de la loi qui a représenté le temps de la conquête des droits des peuples.
Mais, ce temps est en passe d’être révolu pour atteindre celui de la réalisation des droits acquis. C’est le temps de la société apaisée, qui n’a plus besoin de recourir à la force mais, à la raison pour résoudre ces conflits.
Utopie ou réalité ?
Le monde dit «du libre échange » est fondé actuellement sur une guerre économique « froide » par opposition à une guerre « chaude » par référence aux sangs qui s’échauffent et à celui chaud qui s’écoule des corps martyrisés.
Mais, depuis des temps immémoriaux, l’homme sait que la violence est un feu qui couve et ne s’éteint jamais tant qu’il est alimenté par le seul instinct de survie. Pour preuve, il n’est que de rappeler que toutes les religions en ce qu’elles sont source de dépassement de la simple condition animale par l’espoir, posent en interdit le meurtre, au point que même si notre propre vie est menacée, la sagesse recommande la fuite plutôt que le combat. Et, si l’on doit combattre, encore faut-il s’y préparer avec sagesse et éviter autant que faire ce peut le bain de sang.
Ainsi, il est de bon ton de citer un général chinois nommé Sun Tzu, qui par son livre intitulé « l’Art de la guerre », enseigna à son prince que gagner ou perdre une guerre ne se fait pas par hasard, ni par l’intervention des dieux ou des esprits. C’est une question de méthode et de stratégie. Et comme seuls de bons principes stratégiques conduisent à la victoire, il est important de les étudier.
Plus proche de nous, le chef d’état-major des armées Pierre de Villiers, dans une tribune au journal « Le Monde » du 20 avril 2016, a écrit« Gagner la guerre ne suffit pas à gagner la paix ».
Le jeu d’échecs est en cela proche de la négociation raisonnée puisqu’il faut savoir sacrifier des pièces pour atteindre le but recherché. Mais, il s’en distingue car la négociation raisonnée ne vise qu’une issue sans vaincu puisque personne ne perd la face. Mieux, chacun des protagonistes conserve sa dignité !
Les modes amiables de règlements des conflits (M.A.R.C.) qu’ils soient d’origine conventionnelle ou judiciaire, ne sont pas seulement des modes alternatifs de règlement des conflits, mais surtout des modes appropriés de règlement des conflits.
Quant aux avocats qui y participent, ils deviennent non plus seulement des maîtres du barreau, mais aussi de « maîtres en solutions » selon la formule du barreau du Québec.
C’est pourquoi le législateur accorde de plus en plus de place aux modes appropriés de règlement des différends dans la justice en leur consacrant par exemple un titre entier en ce qui concerne la procédure participative, dans le code civil et le code de procédure civile.
Les divers modes de prévention et de résolution de différends les mieux connus sont :
- la médiation judiciaire ou conventionnelle
- l’arbitrage conventionnel ou judiciaire
- la conciliation amiable ou judiciaire
- la transaction
Mais l’évolution récente de notre droit a fait découvrir de nouveaux outils :
- la procédure participative
- le droit collaboratif qui exclu le recours au tribunal
En termes publicitaires on pourrait dire que de la même manière que pour soigner son corps « les antibiotiques c’est pas automatique ! », pour sauver son intégrité sociale « le procès c’est pas non plus automatique ».
Plus encore, ces modes invitent à l’avènement d’un nouveau métier du droit celui de négociateur juridique qui nécessitera une parfaite connaissance du droit mis au service des intérêts communs des parties.
Ainsi, se former aux M.A.R.C. c’est investir une nouvelle forme de justice au côté de la justice étatique avec la même déontologie que les juges alors même que ni le conciliateur, ni le médiateur et encore moins le négociateur (avocat ou pas) n’auront mandat de juger.
Ainsi, les MARC ont pour objectif de proposer aux citoyens une solution appropriée négociée librement et de façon respectueuse, digne et structurée.
Intérêt et efficacité des modes amiables
Intérêt et efficacité des modes amiables
L’intérêt de ces modes que l’on qualifie tantôt d’alternatif, tantôt d’amiable est multiple.
Tout d’abord, ces modes permettent de désengorger les juridictions.
En effet, ils sont possibles dans pratiquement tous les domaines du droit dont la libre disposition n’est pas réservée (droit civil, commercial, social, administratif, voire pénal).
Ensuite, ils favorisent une responsabilisation du justiciable en lui permettant de régler par lui-même son litige. Il favorise également le respect du lien social parce qu’il permet une prise de conscience de l’existence d’un conflit dont les contours sont plus larges que le différend lui-même plus large que le litige qui est uniquement tranché dans le procès.
Enfin, ils permettent à l’avocat d’améliorer son image auprès du public. En effet, jetant souvent le bébé avec l’eau du bain, le public et en écho la presse, soutiennent que la justice est inefficace et les avocats en sont les complices, voire les responsables. De même, on entend souvent le refrain selon lequel la justice n’est faite que pour les nantis et les avocats en profitent; ou que la justice est injuste, à double vitesse et les avocats bénéficient de monopoles incompatibles avec la démocratie moderne.
Ainsi, les modes amiables ont cette vertu de rendre aux justiciables la maîtrise de leurs affaires. Ils les rendent responsables de leur justice. Plus de captation de la procédure par des juges et des auxiliaires de justice. Plus de décision arbitraire et éloignée dans le temps comme dans les attentes. La seule restriction à cette liberté est consentie lorsque le justiciable requiert l’assistance d’un avocat qui devient alors le confident éclairé, le guide sage qui fera traverser le justiciable, sans stress, sur l’autre rive du Rubicon agité des affres de la vie. Dès lors, l’avocat n’est plus perçu comme le samouraï intrépide et va-t-en-guerre ayant pour seule déontologie que celle de la loyauté due à son client : attaquer – défendre – vaincre ou périr – dans un seul scénario possible: le procès !
L’efficacité se retrouve par la mise en valeur de la compétence rédactionnelle de l’avocat. En effet, trouver un accord est toujours tentant, mais savoir en définir les conditions et la portée est indispensable à son efficacité.
Ainsi, grâce à un travail collaboratif, médiateurs, conciliateurs et négociateurs pourront s’appuyer, le cas échéant, sur l’avocat pour obtenir l’homologation, par un juge, de l’accord trouvé.
Une justice raisonnablement négociée
Une écoute active, une reformulation juste et une rédaction sure
La négociation raisonnée est une technique particulière de négociation.
On peut schématiser cette technique en considérant que chacun des protagonistes est représenté par une pyramide à l’instar de la pyramide de Maslow hiérarchisant les besoins de l’individu (Abraham Maslow « Devenir le meilleur de soi-même ed° Eyrolles 2013).
Bien entendu, d’autres techniques scientifiques sont à disposition des négociateurs en fonction du type de dossier à traiter: le conflit familial ne se traite pas comme le conflit en droit des sociétés ou en matière sociale par exemple. De même la négociation bipartie ne se gère pas comme une négociation pluripartite. Une négociation multiculturelle est différente de celle concernant des protagonistes appartenant à un même groupe ethnique ou culturel.
Néanmoins, quelque soit la technique, le processus est identique :
1- L’écoute active :
Pratiquer l’écoute active – collaborative nécessite d’observer un comportement attentif c’est-à-dire sans a priori et sans interprétation ni supposition par rapport à ce que l’on entend et ce sous un contrôle bienveillant mais attentif des autres participants.
2- La reformulation juste :
La reformulation est une démarche chargée d’empathie qui ne doit pas être confondue avec la compassion qui n’est ici pas de mise. La prise de parole de l’accompagnant-négociateur ou le médiateur n’est qu’un écho de ce qui vient d’être prononcé par les protagonistes, afin d’en acter l’importance et sa prise en considération. Elle est aussi un jalon sur le chemin qui doit mener à la solution lorsqu’elle marque l’acquisition d’un accord.
3- Une rédaction efficace grâce à l’acte d’avocat :
Ecrire laisse une trace qui peut constituer une trahison du secret de négociation. Pour autant, il est nécessaire pour une bonne mémoire du sujet comme pour une pérennité de la solution trouvée, qu’une trace demeure. Outre, les questions juridiques qui se posent au rédacteur d’acte, il est indispensable que la rédaction se fasse dans langage clair et juridiquement efficace. Et dans ce domaine, l’avocat détient une compétence particulière notamment avec l’acte d’avocat issu de la loi du 28 mars 2011.
- Les caractéristiques de l’acte d’avocat :
- Un acte sous contreseing d’avocat qui atteste du conseil reçu par les parties et fait foi entre elles de leur écriture et de leur signature,
- L’acte d’avocat est plus qu’un acte sous seing privé : une force probante renforcée ,
- L’acte d’avocat est par excellence l’acte du quotidien.
L’acte d’avocat est synonyme de sécurité. Il conviendra notamment de prévoir :
-
- La clause relative à l’attestation du conseil donné et aux vérifications personnelles de l’avocat contresignataire,
- La clause relative à la dispense des mentions manuscrites,
- La clause relative à la conservation de l’Acte d’Avocat,
- La clause relative au traitement des données informatisées (RGPD).
L’avocat, en contresignant un acte, engagera sa responsabilité professionnelle.
- Conservation de l’acte :
- Chaque acte d’avocat établi devra être porté sur ce registre avec la date, les noms des parties, le thème de l’acte (bail commercial, transaction, compromis de vente, …),
- L’acte devra être conservé par l’avocat ou sa structure,
- Naturellement, en cas de départ de l’avocat de la structure ou de séparation des avocats, chaque avocat pourra récupérer les actes qui comporteront sa signature,
- En cas d’omission et de radiation, l’Ordre interviendra pour trouver la solution adéquate quant à la conservation de ces actes.
Les M.A.R.C. inscrits dans la Loi
La loi du 18 novembre 2016
Depuis la Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle (dont l’acronyme est « J21 »), les Modes amiables de résolution des conflits (ou de règlement des différends pour retenir la définition officielle) sont une réalité et le recours à ceux-ci un préalable fortement conseillé voire imposé.
Déjà le décret du 11 janvier 2015 avait donné la tonalité en modifiant les articles 56 et 58 du code de procédure civile en énonçant que « Sauf justification d’un motif légitime tenant à l’urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu’elle intéresse l’ordre public, la requête ou la déclaration qui saisit la juridiction de première instance précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige. »
Enfin, ce recours aux modes amiables est généralisé à toutes matières et devant toutes les juridictions tant de l’Ordre judiciaire que de l’Ordre administratif. Ils sont applicables même en matière pénale. En effet, le décret n° 2015-1272 du 13 octobre 2015 pris pour l’application des articles 41-1-1 du code de procédure pénale et L. 132-10-1 du code de la sécurité intérieure, insère plusieurs dispositions précisant les modalités selon lesquelles un officier de police judiciaire peut, avec l’autorisation du procureur de la République, proposer à des personnes ayant commis certains délits ou contraventions, une transaction consistant dans le paiement d’une amende transactionnelle. Sont notamment précisées dans ce texte, les modalités de délivrance de l’autorisation, l’impossibilité de proposer la transaction à une personne gardée à vue, les droits de la victime et la limitation de la transaction, en cas de vol, lorsque la valeur de la chose volée est inférieure ou égale à 300,00 €. De même, un décret n° 2018-101 du 16 février 2018 paru au JO du 17 février 2018, met en œuvre à compter du 1er avril 2018 et jusqu’au 16 novembre 2020, une médiation préalable obligatoire, à peine d’irrecevabilité du recours contentieux, pour certains contentieux de la fonction publique et litiges sur les prestations sociales, dans un nombre limités de départements. Cette disposition était un des engagements de la Loi Justice du 21e siècle du 18 novembre 2016, (IV de l’article 5 de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016).
Ainsi, non seulement il n’y a pas de risque au regard de la prescription de l’action, mais aussi par rapport à une éventuelle manœuvre dilatoire d’une partie.
En conséquence, on peut résumer la présentation des modes amiables sous forme d’équation suivante :
COMPÉTENCE + CONFIDENTIALITÉ = CONFIANCE
COMPÉTENCE + CONFIDENTIALITÉ = CONFIANCE
Mais, les MARC changent la donne !
Ce que changent les MARC
Si avec les MARC, rien ou presque ne change pour l’avocat, tout à changé pour la Justice.
La justice du XXIème siècle sera une justice appropriée voire apprivoisée (au sens où l’entendait Saint-Exupéry dans « Le Petit prince »), adulte, comprise parce qu’adaptée aux situations et aux personnes concernées et non pas imposée par l’effet d’une loi générale, impersonnelle et contraignante.
Et concrètement, dans le cadre de cette nouvelle approche de la Justice, le négociateur va devoir quand même changer de paradigme: passer de la réaction fulgurante du serpent qui se dresse et se fige pour hypnotiser son contradicteur, à l’attitude placide du gorille tellement certain de sa force qu’il n’éprouve pas le besoin immédiat d’en faire la démonstration.
En effet, la négociation « judiciarisée » prend la forme d’une négociation « raisonnée ». Cela s’explique par l’objectif recherché: une solution équivalente à une décision de justice au regard de sa force exécutoire.
Les M.A.R.C., une famille moderne de solutions de justice
Des solutions de justice
A – Les quatre principaux modes amiables de résolutions des conflits (M.A.R.C.)
1° – La transaction :
C’est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître, la transaction doit, en principe, prendre la forme d’un écrit, signé par les deux parties et établi en double exemplaire (Code de procédure. Civile art. 2044)
2° – La conciliation :
La conciliation est historiquement un mode ancien de règlement amiable des conflits, pratiqué sous l’Ancien régime, dont le principe est repris après la Révolution de 1789. Elle relève des juges de paix qui fondent leur décision sur l’équité et non sur le droit. Avec la réforme de l’organisation judiciaire issue de l’ordonnance du 22 décembre 1958, qui voit la suppression des juges de paix, la conciliation est intégrée dans l’activité des juridictions civiles. Avec le décret du 9 septembre 1971, la conciliation devient « l’un des principes directeurs du procès ».
3° – La médiation :
La médiation figure dans le code civil depuis la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.
a) La médiation amiable
La médiation peut être amiable lorsqu’elle est décidée par les parties avant tout procès. Les parties sont libres de choisir le médiateur et de se faire ou pas assister par un avocat. Mais ce dernier ne peut pas représenter son client.
b) La médiation extrajudiciaire
La médiation peut être extrajudiciaire lorsqu’elle est confiée par l’Etat à une personne physique ou morale qu’il a lui-même choisi (exemple le médiateur de l’Education nationale) ou qu’il a approuvé (exemple le médiateur national de la consommation de la profession d’avocats (article L. 155-2 du code de la consommation) ).
c) La médiation judiciaire
Enfin la médiation est qualifiée de judiciaire lorsque c’est le juge qui désigne le médiateur. Le juge reste saisi du dossier. Il désigne le médiateur. Le déroulement procédural est encadré (3 mois renouvelables 1 fois pour la même période à l’initiative du médiateur). Passé ce délai à défaut d’accord trouvé, le juge statue.
4° – La procédure participative :
La procédure participative prévue aux articles 2062 à 2067 du Code civil est régie par les dispositions des articles 1542 et suivants du Code de procédure civile.
Il s’agit d’un monopole d’avocats parce qu’elle est très proche d’une procédure judiciaire. En effet, si la négociation participative n’aboutit pas, elle conserve toutefois valeur de mise en état permettant au juge saisi de statuer sur le litige sans mise en état préalable.
B – LES MODES AMIABLES ALTERNATIFS AU PROCÈS, DE RÉSOLUTIONS DES CONFLITS
1° – L’arbitrage :
L’arbitrage classique consiste pour les parties en litige à choisir leurs juges (professionnels ou pas). A l’issue, le tribunal arbitral tranche par le biais d’une sentence.
Depuis l’avènement des M.A.R.C. l’arbitrage peut prévoir avant ou pendant une médiation. On parle alors de « méd-arb et de « med-then-arb »
2° – Le droit collaboratif :
Le droit collaboratif est une réalité juridique mais demeure encore une pratique hésitante et utopique. Le processus est identique à la procédure participative à la différence près que les protagonistes s’interdisent de recourir au juge autrement que pour l’homologation éventuelle de leur accord. En cas d’échec, les parties pourront recourir au juge étatique, mais leurs avocats collaboratifs devront se déporter.
En cas de conflit, savoir percevoir ce qu’il y a de meilleur dans l’autre, permet d’établir plus facilement un dialogue non violent avec les personnes concernées. Cela évite que les situations dégénèrent et deviennent irréversibles. Cette manière de procéder aide à trouver, si nécessaire, des solutions justes.
DALAÏ LAMA